Animateur vedette sur les ondes dans les années 1970/80, Jean-Loup Lafont s’est envolé en 2015 à l’âge de 75 ans. A sa disparition, les hommages dans la presse ont été unanimes pour saluer la mémoire de l’homme de radio qui avait marqué l’adolescence de toute une génération avec des émissions mythiques sur Europe 1 comme Mozik, le Hit-Parade, ou encore Basket.
Aujourd’hui, pour la première fois en France, le salon DDESSINPARIS propose de le découvrir sous un visage totalement inédit, celui du dessinateur.
Dans le cadre de ses projets spécifiques, Eve de Medeiros a ainsi choisi de mettre en lumière son œuvre artistique singulière et foisonnante, composée d’un fonds de plus de 2000 dessins.
Jean-Loup Lafont
En 1989, après une très belle carrière médiatique à la radio, Jean-Loup Lafont se lance à lui-même un défi un peu fou : tout plaquer pour devenir un grand artiste avant l’an 2000.
Armé de son enthousiasme légendaire et fort de ses origines bretonnes, il n’aura de cesse de travailler à cette ambition dans le secret et le refuge de son atelier de Courbevoie. 8 heures par jour pendant 27 ans – avec l’application d’un moine bénédictin comme il se plaisait à le définir. Cette aspiration, avec le dessin pour fil rouge, ne le quittera jamais.
Tous les supports et les moyens sont bons pour tracer des formes et sa voie artistique : le bois, le carton, le papier, le calque, la photographie argentique, le crayon, l’encre, le verre, l’acrylique, le fusain, le pastel, le feutre, le stylo, toute une palette d’ustensiles méticuleusement classés sur des étagères blanches, dans des pots ou des cartons à dessin, par catégories et couleurs.
D’un naturel solitaire, son univers graphique n’en demeure pas moins peuplé de toute une kyrielle de bonhommes imaginaires, figures récurrentes à casquettes et aux surnoms farfelus. Libre et iconoclaste dans sa manière d’être, de penser et de créer, Jean-Loup Lafont a toujours manifesté un goût prononcé pour l’art non conventionnel et anticonformiste. Son style pourrait s’apparenter à celui d’un Jean Dubuffet, tout aussi inclassable et peu académique, avec cette curiosité insatiable qui se plait à explorer les contre-courants et à décloisonner les genres, souvent à rebours de l’époque et des élites culturelles, ainsi qu’en témoigne leur amour commun pour l’art brut. Lecteur assidu de journaux intimes et de poésie, vrai marcheur, mélomane à toute heure, une volonté de se nourrir et de s’aventurer tant sur le plan artistique que géographique vers les périphéries, un talent créatif hors des normes et des sentiers battus. En un mot, singulier.
Rien ne l’arrêtera, sauf la maladie. Sur son lit d’hôpital, jusqu’à son dernier jour, il a tenu à garder près de lui sa série préférée de crayons pastels Conté. Quelques instants avant de s’éteindre, entouré de ses proches, il en a pris un de couleur magenta et s’est efforcé de tracer fébrilement, aidé d’une règle, une ligne sur une feuille. Dans ce geste ultime, avant d’atteindre le bout de la page, sa main s’est immobilisée, puis ses yeux se sont fermés. Il n’y avait sans doute pas de plus belle façon pour lui de tirer, et sa révérence, et un trait sur sa vie : avec un dessin.